mercredi 2 septembre 2009

L'ÉNORME FESTIVAL ET SON EMPIRE — SUITE ET FIN.



RÉACTION À LA RÉPLIQUE D'ANDRÉ MÉNARD

par Jacques Laurin
Ex-président, Regroupement des Artistes Jazz du Québec (RAJQ) et Initiateur du projet de Centre International de Jazz de Montréal (CIJM)
et Claude Marc Bourget
Pianiste et compositeur, initiateur de la Société des musiques improvisées du Québec

André Ménard, ce 20 août, prenait la plume pour répliquer à la lettre que je cosignais avec Jacques Laurin sur le Festival International de Jazz de Montréal et son empire tentaculaire et démesuré. Jacques Laurin réagit de belle manière ci-dessous, mais on voudra bien me laisser écrire deux mots en guise d’introduction.

André Ménard, d’entrée de jeu, y est allé plutôt bassement, par un coup ad hominem, sous la ceinture. Sa réplique dévoile comme un vicieux secret les tentatives de Jacques Laurin pour se rapprocher de son trône. Pourtant, rien de plus normal. Les efforts de rapprochement sont des efforts de paix et de conciliation, et nul professionnel du jazz au Québec ne peut ignorer l’Empire festivalier, au moins comme extraordinaire réservoir de subsides. Moi-même je m’y suis coincé le pied. Or, à voir de près, avec un temps d’analyse, les différences se confirment, comme les différends. Nous en sommes là.

Je passe sur les vétilles orthographiques et autres arguties peu convaincantes, voire sur les chiffres triturés et drolatiques qu’André Ménard, en bon musicien comptable et chef vendeur, répète sur toutes les scènes, chaque année. Sa partition est connue et a charmé la salle trop longtemps. Laissons les bonnes oreilles identifier les thèmes éculés et les fausses notes. La lecture d’aujourd’hui les y aidera.

Je termine toutefois avec le plus cruel : l’insidieuse façon, dans cette réplique, de mettre en doute le jugement de Jacques Laurin, sa logique et son entendement, son sens de la réalité — en résumé de renvoyer l’homme à sa musique. C’est le procédé du dictateur : mettre en doute l’intégrité mentale ou émotionnelle de ses opposants, sinon leur légitimité. Qui s’attaque à l’Empire s’attaque à la raison d’État et doit donc présenter quelques signes problématiques, des éléments de rage, du ressentiment, de mauvais instincts, ou ne pas être à sa place. Aucune raison raisonnable, aucune cause, nul principe éclairé, bien sûr, ne conduirait à remettre en question le contrôle et l’omniprésence de Spectra et de ses nombreuses incarnations. Surtout pas la réalité, surtout pas l’évidence...

Que les musiciens retournent donc à leur musique et ne se mêlent pas de gros sous !

Claude Marc Bourget

........................................


Réponse à André Ménard, Premier vice-président et cofondateur du Festival international de jazz de Montréal

Je suis désolé de vous avoir dérangé et blessé, mais je suis certain que vous vous en remettrez aisément. Je n’ai rien contre votre festival en particulier et vous félicite encore une fois de votre succès, mais les faits demeurent.

Lors de mes démarches de représentation à titre de président du Regroupement des artistes de jazz du Québec (RAJQ), j’ai pu constater que la situation des musiciens de jazz du Québec était, et demeure toujours, dans un état critique. D’autre part, lorsque je présentais le projet de Centre international de jazz de Montréal (CIJM), projet de mise sur pieds d’un réel lieu de diffusion, de création et de ressourcement pour les musiciens de jazz, il n’y a pas un ministère, pas une instance gouvernementale qui ne demandait pas si vous étiez au courant de ce projet, comme si le FIJM était le ministère du jazz au Québec. (Nous avons d’ailleurs rencontré votre président à deux reprises, en 2007, concernant ce projet).

Alors comme vous ne semblez pas encore comprendre la dite situation, permettez-moi de vous l’expliquer autrement.

Au Québec, en jazz, il n’y a d’argent pratiquement que pour le FIJM. Vous avez accaparé, au fil du temps, toutes les ressources qui pourraient annuellement aider au fonctionnement et au développement des musiciens de jazz du Québec. Il suffit, pour s’en convaincre, d’aller voir les chiffres issus de n’importe quel organisme subventionneurs du Québec ou du Canada, pour constater que les musiciens de jazz ne reçoivent, bon an mal an, qu’environ 1% du budget accordé au fonctionnement des organismes œuvrant en musique (Un peu plus de 100 mille dollars au Conseil des Arts et des Lettres du Québec sur un budget d’environ 17 millions en musique).

Lorsque que je dévoilais cette fâcheuse situation, je me faisais invariablement demander : Mais que faites vous de tous les millions versés au FIJM, donc au jazz ?

Voilà une excellente question : De tous les millions de dollars reçus par le Festival International de jazz de Montréal au nom du jazz, combien sont retombés sur les musiciens de jazz du Québec ?

Peut-être aurez-vous la grâce de révéler le chiffre précis des cachets versés aux musiciens de jazz d’ici, mais connaissant la hauteur de ceux versés à certains des meilleurs d’entre eux, je suis convaincu que ces retombées directes n’atteignent pas un pourcent (1%) du budget global de 30 millions de dollars du FIJM. Et j’irai plus loin, tout en constituant de façon générale une sorte de fuite de capitaux publics vers l’étranger, certains cachets versés pour une seule prestation au FIJM suffiraient presqu’à soutenir adéquatement toute la communauté jazz du Québec pour une année.

Pour terminer, mon offre de service n’a jamais été secrète. Tous mes collègues étaient au courant et en connaissaient la teneur. En me traitant d’une part d’activiste épisodique pour avoir représenté les intérêts des musiciens de jazz du Québec et essayé de mettre sur pieds un réel lieu de diffusion, de création et de ressourcement qui les concernent en dehors de votre organisation, et en vous vantant d’autre part de n’avoir pas donné suite à mon offre de service vous proposant de concrétiser cette démarche à l’intérieur de celle-ci, vous n’arrivez finalement qu’à illustrer, encore une fois, votre indifférence face à la situation extrêmement précaire vécue par les membres de la communauté qui a le plus contribué à votre réussite.

Après plusieurs tentatives infructueuses, le temps est peut-être venu d’obtenir audience auprès de l’actuelle Ministre de la Culture et des Communications du Québec, Madame Christine St-Pierre.

Jacques Laurin

1 commentaire:

  1. Les marchands du temple

    C'est à titre d'amateur passionné de jazz que je commente ici la lettre "Du pain et des jeux", cosignée par Claude Marc Bourget et Jacques Laurin ainsi que la réplique de M. André Ménard relativement aux subventions accordées au Festival international de jazz de Montréal (FIJM).

    J'ai longtemps cru que la variété dans l'offre du FIJM (Blues, Bossa Nova, Country rock, Western, Dub, Électro, Folk, Funk, Gospel, Hip hop, Indus, Ska, Rockabilly, Pop rock, Rap, Reggae, R&B, Rock progressif, Rock alternatif, Samba, Trip hop et World music pour reprendre les catégories évoquées par Normand Guilbeault dans sa réponse à M. Ménard) pouvait amener les néophytes vers le Jazz, par un quelconque transfert de compétences transversales! La fréquentation assidue du FIJM me prouve qu'il n'en est rien. Les jeunes (25-35 ans, dirons-nous ici pour simplifier) sont toujours aussi cruellement absents des concerts en salle de tous les grands jazzmen, auxquels j'ai assisté.

    En examinant la programmation du FIJM, il est évident qu'une partie de l'argent subventionne des musiques autres que le Jazz. Quant à savoir quelle portion de mes impôts sert à financer les musiciens d'ici, un peu de transparence de la part de l'organisation du FIJM serait la bienvenue. Le site web du FIJM, constitué d'un babillage vulgaire, nous apprend tout de même dans son bilan 2009 que les ventes de bière ont connu un recul cette année. Triste nouvelle...

    Dans sa réplique, M. Ménard mentionne qu'à New York, "Jazz at Lincoln Center a aussi recours à des artistes provenant d'autres sphères tels Willie Nelson ou Calexico… qui aident M. Marsalis à boucler son budget de fonctionnement". J'ai vérifié les spectacles à venir au Jazz at Lincoln Center. Sur les 91 spectacles au programme d'ici le 5 juin 2010, on peut retirer ceux-ci qui sont hors de la sphère du Jazz : un spectacle de musique iranienne, trois spectacles de cabaret et un spectacle de musique Gospel. On peut difficilement accuser M. Marsalis de financer son Lincoln Center à même la musique country!

    Quant au volet éducatif, je vous soumets les évènements suivants qui font partie de la programmation régulière à venir du même Jazz at Lincoln Center : Jazz for Young People : Who is Tito Puente? (Jazz pour les Jeunes : Qui est Tito Puente?), Jazz for Young People : What is Free Jazz? (Jazz pour les Jeunes : Qu'est-ce que le Free Jazz?) et Jazz for Young People : Who is Mary Lou Williams? (Jazz pour les Jeunes : Qui est Mary Lou Williams?), ce dernier programme présenté par M. Winton Marsalis lui-même! J'ai beau avoir épluché la programmation du FIJM de fond en comble chaque année, je n'y ai jamais trouvé des programmes similaires. Dans sa lettre, M. Guilbeault suggère à M. Ménard d'inviter M. Marsalis à venir faire une résidence d'un an à Montréal. Il m'apparait clairement que c'est plutôt M. Ménard qu'il faut envoyer d'urgence en résidence à New York!

    Heureusement pour l'amateur, il existe d'autres avenues. J'ai découvert cette année l'Off Festival de Jazz de Montréal, doté d'une programmation résolument jazz. Seulement cette année, direz-vous? C'est dire comment les tam-tams du FIJM jouent fort! Et j'ajoute une mention spéciale pour le Upstairs, qui demeure l'un des endroits les plus sérieux à Montréal pour du Jazz diversifié et de qualité pendant toute l'année.

    Alors, le FIJM reçoit-il trop de subventions et sont-elles utilisées adéquatement pour servir le Jazz et les musiciens d'ici? Je n'ai pas réponse à ces questions. Mais quand on fait venir Stevie Wonder pour inaugurer la nouvelle scène du FIJM, je m'interroge. Peu importe le montant du cachet de M. Wonder, je m'inquiète aussi pour l'année prochaine. Aura-t-on droit à Paul McCartney pour faire un pied de nez au maire Labeaume de Québec?

    Jean François, Éditeur du blogue Jazz Frisson

    RépondreSupprimer